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Malibu Beach, Californie
4 h 38
Au cœur de la nuit : une main gantée sortit le coupe-verre et la ventouse d’un petit sac. La ventouse fut appliquée sur la vitre et la lame traça un cercle parfait. Le disque de verre céda.
La main passa par l’ouverture et souleva le loquet de la baie coulissante.
Il était entré. Il était de nouveau dans la maison.
Puis il monta l’escalier, se dirigea vers la chambre, laissant ses vêtements au bas des marches comme un papillon qui se débarrasse de sa chrysalide. Il se déplaçait avec une lenteur insoutenable.
L’intrus s’arrêta devant la porte et jeta un coup d’œil dans la pièce vidée de son mobilier et de toute trace du couple qui y avait vécu. Il se rappela ce qu’elle avait naguère abrité : un grand lit, un écran plasma, des chiens… Il imagina tout cela alors qu’il pénétrait dans la pièce à quatre pattes, sur la pointe des doigts et des orteils.
Pas de logique de déduction. Pas de raisonnement. Pas d’intuition. Je suis le monstre. À quoi je pense ?
Il rampa jusqu’au lit imaginaire. Resta immobile un long moment, essayant de se mettre dans le même état d’esprit.
Dark voulait savoir quel effet cela faisait de rôder autour d’une femme endormie et sans défense.
Il imagina Sibby blottie dans le lit. Sauf que ce n’était pas Sibby. Pas sa Sibby. Non, simplement une personne proche de son adversaire. Une femme qu’il pouvait utiliser. Avec laquelle il pouvait « s’amuser un peu ».
Il ouvrit la fermeture Éclair de son masque imaginaire et prit un chiffon tout aussi imaginaire imbibé de chloroforme. L’appliqua sur la bouche de la femme. La sentit résister. Se débattre.
Là, l’image disparaissait de l’écran.
Qu’est-ce qu’il lui fait, maintenant ? Que fait le monstre ?
C’est atroce de devoir y penser, mais peu importe la souffrance. Tu veux coincer cette saloperie, tu vas penser comme lui, penser mieux que lui. Tu ne peux pas te dérober sous prétexte que ça fait mal.
« Arrête-le, avait dit Sibby. Quoi qu’il arrive, je serai là à ton retour. »
Continue. Deviens le monstre.
Tu as devant toi sur le lit une belle femme enceinte inconsciente, nue et sans défense. Tu es le monstre lâché en liberté dans cette chambre. Tu peux faire tout ce que tu veux. Qu’est-ce que tu décides ?
De blesser le bébé ? Tu glisses tes doigts en elle parce que tu es curieux ? Non, tu n’es pas curieux. Tu sais tout des bébés, parce qu’il t’arrive de les épargner. Tu ne ferais pas de mal à l’enfant qu’elle porte parce qu’il est innocent, qu’il ne connaît pas le péché. Pour le moment.
En revanche, cette femme… Par où a-t-elle péché ? Pourquoi passes-tu tes doigts sur son clitoris, pourquoi écartes-tu ses lèvres et l’examines-tu comme un gynécologue ? Tu n’as laissé aucune ecchymose, entaille ou trace visible, mais tu lui as fait mal. Tu l’as plongée dans la confusion. Elle s’est demandé en se réveillant ce qui lui était arrivé. Tu l’as forcée à mentir à son mari.
Alors, est-elle celle des deux qui pleureront ?
Ou une des quatre qui soupireront ?
Tu es le monstre ; tu veux envoyer un message. Qu’est-ce que tu essaies de dire ? Que veux-tu de plus qu’obéir à ton besoin primaire de trancher, baiser, écraser, déchiqueter et briser cette femme qui gît devant toi ?
Pourquoi es-tu venu ici cette nuit, le monstre ?
Dark entra à pas feutrés dans la salle de bains et ouvrit l’eau chaude, laissant la pièce se remplir de vapeur. Puis il inscrivit le numéro de téléphone sur le miroir, exactement comme l’avait fait Sqweegel.
Une fois la vapeur dissipée, il commença son inspection. Le sol dallé. Les parois de la douche. Du lavabo. Centimètre par centimètre, méthodiquement.
C’est alors qu’il entendit la sonnerie de son téléphone en bas de l’escalier. Il venait de recevoir un message.
De Josh Banner. Les résultats étaient arrivés.